Le portrait en dissidence – 22ème festival d’Arts plastiques

« Portrait en dissidence » de Matthieu Fappani, Francisco Artigas et Michel Cure

©Matthieu Fappani

Pourquoi exposer des portraits ? C’est que le portrait est et a toujours été la représentation par excellence, celle qui sonde les tréfonds de l’âme humaine. Non pas une recherche de la ressemblance physique ou psychologique, car les peintres tentent de nous montrer qu’elle n’est qu’illusion. Tous leurs efforts sont déployés afin de rendre visible, tangible une réalité qu’ils éprouvent dans leur être face au modèle. Ainsi « La véracité s’obtient quand le peintre réussit à faire fusionner une qualité réelle avec une qualité représentée ».

©Matthieu Fappani
©Francisco Artigas
©Michel Cure

À propos des artistes

Matthieu Fappani envisage la création sous un jour cyclique : la disparition de la figure ne se produit qu’au profit d’une future apparition. Le biais du matériel informatique est essentiel à sa production, car l’artiste et ses logiciels travaillent de concert pour le remaniement du visage traité à partir d’une photographie. Il en découle une recherche du portrait par l’addition et la soustraction d’éléments visuels. Un autre être est alors conçu.

L’œuvre n’est pas destinée à transmettre un message universel. Privés d’une physionomie qui transmet leur identité première, de leur membres et de leur aspect dynamique, fonctionnel, les corps ne facilitent pas une reconnaissance formelle. De fait, ils forcent le jeu de recherche de la part du spectateur, induisent un questionnement quant au sens de leur existence. Là où d’autres visent la représentation biaisée comme une rupture de la figure humaine, Fappani appelle à une interprétation personnelle.

Pour ce faire, la forme insolite que va prendre le visage brouille non seulement les repères mais aussi les idées reçues. Lorsqu’il n’est plus possible de se référer à des critères esthétiques  standards, et que le monstrueux est moins horrifiant qu’étranger, inédit pour le regard, l’œuvre incite à appréhender le portrait comme une porte sur la nouveauté.


Dans ses grands portraits, Michel Cure ose humblement le retour aux primitifs flamands et italiens et à leurs portraits de femmes qui expriment un sentiment de si grande sérénité. La pose calme et assurée du modèle, la technique de la tempera et sa matité, sont autant d’emprunts et de références pour son travail d’aujourd’hui. Point de passéisme dans cette démarche, mais au contraire non conformisme assumé et modernisme de cette représentation.

La plupart des modèles ont posé nues, inscrivant ainsi un jeu de présence et d’intensité entre elles et le peintre. Le cadrage serré et la franchise de la peinture contribuent à transposer un visage habité, de ceux qui suggèrent la continuité du corps par la courbe de la nuque et le commencement du buste. Pourtant cette chair perd progressivement de sa teneur à mesure que le peintre choisit d’en épurer la matière. Les derniers tableaux de cette série tendent à réduire l’expression du corps à des aplats de couleurs délimitant les formes là où ils se rencontrent, retrouvant l’essence des peintures abstraites que Michel Cure travaille en même temps.

Loin d’être un déni de la sensualité, ce style contribue à restituer la quintessence du modèle par un choix de traits révélateurs : en dépouillant le portrait de l’illusion de relief, en s’attardant sur l’essentiel, Michel Cure préserve le caractère érotique de son œuvre tout en lui conférant une grâce indicible.


La notion de vis-à-vis n’aura jamais été aussi prégnante que dans le travail de Francisco Artigas. Grâce à des développements sur grand format par le biais de l’argentique, l’artiste est en mesure de présenter des visages aux proportions et au niveau de détail sans commune mesure.

Il existe un paradoxe dans le dispositif : si les portraits sont rendus anonyme par la pose similaire et impersonnelle, tous mis sur un pied d’égalité, la présence dans l’espace de l’œuvre et la précision de l’image placent l’individu au-delà de son statut ordinaire. Par la dimension supérieure à la figure ordinaire, et en dépit de la neutralité qui les regroupe en série, une aura est conférée à ces visages. Une rencontre s’instaure alors entre le spectateur et celui dont le regard frontal est figé dans une logique de contact immédiat.

A travers ces figures fortes, Francisco Artigas tente une représentation de l’homme nu dans sa condition humaine, à travers une mise à distance du sujet photographié comme procèdent les photos d’identité et permettant un enregistrement froid et distancié des mille et une variations du visage humain.

Exposition du 9 juillet au 31 août
Ouvert du mercredi au dimanche, de 14h à 18h
Vernissage le 9 juillet à 18h